Des tsunamis en Méditerranée ?

Le 02/05/2020, un séisme de magnitude 6.6 est survenu au large des côtes de la Crète. Ce séisme fut suivi d’une alerte au tsunami qui fut levée dans la journée. L’occasion de rappeler que la Méditerranée aussi peut-être propice aux tsunamis.

Si la mer Méditerranée connaît des marées de faibles amplitudes, cela ne l’exempte pas de subir des tsunamis. Ces deux phénomènes n’ont d’ailleurs aucun rapport entres-eux.

Des traces d’anciens tsunamis

Les écrits historiques et des éléments géologiques nous permettent d’estimer qu’en 2000 ans, près d’une vingtaine de tsunamis ont déjà été observés. En voici quelques-uns parmi les plus notables :


Aujourd’hui il ne reste du Santorin qu’un immense cratère (caldeira)

Santorin, environ -1600 : Le volcan Santorin, sur l’île de Théra, entre en éruption. Des panaches de cendres recouvrent les environs sur 300.000 km². La chambre magmatique se vide littéralement, faisant s’effondrer le volcan en une caldeira. Cet effondrement provoque d’importantes coulées pyroclastiques (nuées ardentes) qui, au contact de la mer, provoquent des vagues d’une vingtaine de mètres de haut. 3 millénaires plus tard, on trouve encore des traces de ce tsunami en Crète (à 100 km de Santorin). Selon certains historiens, c’est cette éruption qui serait à l’origine du mythe de l’Atlantide.

Crète, Juillet 365 : Un séisme de magnitude probablement comprise entre 8 et 8,5 occasionne le soulèvement de la Crète de près de neuf mètres. Le tsunami qui en résulte frappe durement l’Est de la Méditerranée, et particulièrement la ville d’Alexandrie. Les écrits relatés par les historiens de l’époque nous permettent d’estimer que 50.000 personnes ont péri à Alexandrie. L’historien romain Ammien Marcellin témoigne du retrait des eaux puis d’une brusque arrivée des vagues sur les côtes,transportant des bateaux sur plusieurs kilomètres à l’intérieur des terres.

Rhodes, 1303 : Un séisme de magnitude estimée à 8 provoqua un tsunami qui détruisit l’île de Rhodes. Encore une fois, la Crète n’a pas été épargnée.

Lisbonne, 1er Novembre 1755 : En 1755, le séisme le plus destructeur de l’histoire de l’Europe, de magnitude entre 8.5 et 9, provoque un tsunami gigantesque. Des vagues de 5 à 15 mètres de haut ont remonté le Tage et déferlé sur Lisbonne. La ville étant située à l’Ouest du détroit de Gibraltar, l’épicentre est localisé dans l’Océan Atlantique. Toutefois, l’onde fut tellement importante qu’elle s’est propagée à travers tous l’Océan Atlantique et la mer Méditerranée. Le tsunami aurait donc été ressenti sur les cotes africaines, anglaises et américaines. Cet événement fut si traumatisant à l’époque, qu’on en trouve de nombreuses traces dans la littérature. Voltaire évoque ainsi cet événement dans Candide.

Le séisme de 1755 à Lisbonne marqua profondément les esprits
Pour éviter les épidémies, il était question de raser la ville de Messine. Finalement, il fut décider de la reconstruire.

Messine, 1908 : Un séisme dont l’épicentre est situé dans le détroit de Messine génère des vagues de 12m qui déferlent sur les rivages de Sicile. L’événement a tué près de la moitié de la population de Messine.

Turquie, 17 Août 1999 : le séisme d’Izmit de magnitude 7.5 provoque des glissements de terrain à l’origine d’un tsunami dans la baie d’Izmit.

Algérie, 21 mai 2003 : le séisme algérien de Boumerdès, de magnitude 6.7 engendre un tsunami qui ne fait aucun victime. La hauteur de la vague est de 3 mètres mais celle-ci ne fait pas de victime.

Des causes multiples

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la formation de tsunamis en Méditerranée.

Séismes

La mer Méditerranée est un endroit géologiquement très actif. Il s’y produit différentes interactions entre les plaques tectoniques.

D’abord au sud de la Grèce, la plaque Africaine plonge à une vitesse de 3 cm/an sous la plaque de la mer Egée. Cette plaque, solidaire de la plaque Anatolienne (où se trouve la Turquie), se déplace elle-même de 1 cm/an vers le sud. C’est ce que l’on appelle une subduction. Cette zone de subduction produit de nombreux séismes, dont les séismes de 365 et 1303 à Rhodes.

Une autre interaction a lieu entre les plaques Africaine et Eurasiatique. Celle-ci entrent en collision, ce qui a pour effet de créer des failles chevauchantes. Certaines sont sous-marines, d’autres en surface. La rupture de ces failles est à l’origine des séismes de Lisbonne et de Boumerdès.

Effondrements et glissements de terrain

Par endroit, les mouvements des plaques induisent un écartement entre les plaques. Il en résulte des failles dites normales. Dans une faille normale, les plaques glissent l’une par rapport à l’autre, comme le long d’une rampe. Ce glissement, parfois soudain, entraîne alors une brusque chute du niveau marin. Il en résulte une onde qui se transforme en tsunami. C’est ce qu’il s’est passé à Messine en 1908.

Parfois, les plaques tectoniques n’y sont pour rien dans les glissements de terrain. Avec le temps, l’érosion des roches par le vent ou la pluie dépose des particules au fond de la mer, les sédiments. La plupart du temps, les sédiments s’agglomèrent et forment des structures plus ou moins solides. Il arrive que ces sédiments, lorsqu’ils ne sont pas assez solidifiés, glissent le long d’une pente. C’est ce que l’on appelle des slumping. Ces glissements de terrain sous-marins peuvent-eux aussi être à l’origine de tsunamis.

Parfois, ces glissements de terrain sont favorisés par les séismes. C’est ce qu’il s’est passé en Turquie en 1999.

Eruptions volcaniques

La subduction en méditerranée est aussi à l’origine de plusieurs édifices volcaniques. En plongeant sous la plaque de la mer Egée, la plaque Africaine entre en fusion, du magma se créé. Ce magma remonte ensuite à travers la plaque supérieure puis peut atteindre la surface. Le volcanisme engendré est alors explosif : le magma visqueux, sous pression, peine à se frayer un chemin. Il finit par y parvenir en explosant, c’est ce qu’il s’est passé avec le Santorin.

Faut-il avoir peur ?

Comme nous l’avons vu, de nombreux exemples semblent indiquer que la Méditerranée peut-être le siège des tsunamis.

Doit-on s’en inquiéter pour autant ?

Depuis 2012, la France s’est dotée du CENALT (Centre d’alerte aux tsunamis). Cet organisme, dépendant du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique), est chargé de surveiller l’activité sismique en Méditerranée et dans l’Océan Atlantique.

Pour plus de renseignements sur cet organisme : http://www.info-tsunami.fr/content.php?sec=27

D’abord, le CENALT identifie une situation à risque via ses appareils de mesure (sismographes, marégraphes…). C’est l’alerte montante.

Si le CENALT est en mesure de détecter rapidement une situation dangereuse, il faut que l’information parvienne rapidement à la population. C’est l’alerte descendante. C’est le rôle du COGIC (Centre Opérationnel de Gestion Interministériel des Crises) qui doit alors relayer l’information. Lorsque le CENALT transmet l’information au COGIC, une alarme retentit pour indiquer au permanencier de donner l’alerte à une liste de contacts, ce qui permet d’alerter la population.

En Avril 2019, un sénateur de l’Aude, Roland Courteau, s’est interrogé sur le bon fonctionnement de ce système d’alerte. Lors d’un exercice en novembre 2018, le COGIC a mis 34 minutes à diffuser l’alerte. En conditions réelles, cette perte de temps aurait pu être très préjudiciable.

La question a été discutée au Sénat. Au cours de la séance, le secrétaire d’état Laurent Nunez a tenu à rassurer précisant que de nombreux moyens étaient mis en oeuvre pour assurer la protection des français face au risque tsunami, à la fois en Méditerranée et dans les DOM-TOM.

Une réponse qui n’a pas semblé convaincre Roland Courteau :

On peut parier sur sa rareté, mais gare si une catastrophe arrive ! Les responsabilités de chacun seront alors engagées !

Sources

Livres et revues

  • La belle histoire des volcans
  • Pour la Science Avril/Juin 2006 : Tsunami possible dans l’Atlantique et la Mediterranée
  • Les risques naturels en 300 questions / réponses

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